#02 Descendre dans la Grotte

12 Mars 2023 Frangokastello Crète Sud

Il est 21H47 et je sens que je dois faire une séance de connexion. Je commence à percevoir l’étendue de ce que je pourrai trouver dans ce corps primal et j’avoue que cela m’effraie un peu.

J’ai vécu lors d’évènements traumatiques, des réactions psychiques particulières.

 

La sidération

Voici sa définition : Profonde stupeur vécue lors d'une violence subie, particulièrement un viol ; paralysie et dissociation mentale et émotionnelle qui empêche toute compréhension, réflexion et action, et cause un trouble de stress post-traumatique. Cette réaction psychique explique notamment pourquoi certaines victimes de violence sont dans l’incapacité de se défendre. Pour ma part, j’ai cru que ma fin était venue. La stupeur est telle qu’elle nous paralyse. J’ai revécu cette sidération lors d’événements moins tragiques, mais qui m’ont replongé dans cet état : lorsqu’un ostéopathe m’a fait hurler de douleur et s’est acharné sur mon dos, je n’ai pas pu bouger, dire, ni même me rendre compte. Plusieurs jours plus tard lors d’une séance avec mon psychanalyste, alors qu’il venait de me demander pourquoi je n’étais pas descendue de sa table de massage, il s’approche de moi, et là je me mets à bégayer et à trembler. Nous nous regardons tous les deux et comprenons que je suis en état de sidération. Lorsque j’ai fait du stop aux Açores et qu’une fois dans la voiture, le conducteur m’ai dit  qu’on allait faire le tour de l’ile, j’ai ressenti à nouveau cette angoisse, mais cette fois-ci j’ai su réagir et lui demander fermement de s’arrêter. Cependant, je pense que chaque angoisse ressentie, réactive quelque chose de plus fort que moi, d’incontrôlable. 

 

La dissociation

Définition : La dissociation traumatique est due à un mécanisme neuro-biologique de sauvegarde exceptionnel mis en place par le cerveau de la victime pour survivre à un stress extrême. Les violences par leur caractère impensable produisent un état de sidération qui, en paralysant les fonctions mentales supérieures, rend incontrôlable la réponse émotionnelle. Docteur Michèle SALMONA

C’est comme si ton corps restait mais que pour ne pas faire face à l’horreur de la situation, ton esprit s’échappait.

 

L’amnésie traumatique

Définition : L'amnésie traumatique est une perte de mémoire partielle, ou totale, au sujet d'un événement bouleversant. L'amnésie post traumatique se retrouve fréquemment chez les personnes qui ont été victimes de violences telles que des abus sexuels. Un traumatisme d'enfance oublié se cache parfois derrière ce trouble. Pour ma part, j’ai identifié au moins deux épisodes d’amnésie traumatique. Je t’assure que quand tu t’aperçois que ta mémoire a été « gommée », par protection, parce que ton cerveau a jugé préférable pour ta survie que tu ne te souviennes pas, tu es très fragile. Ne pas m’être aperçue que mon cerveau avait gommé tout un passage de ma vie, est venue toucher ma confiance en mes capacités. Qu’est ce qui me dit qu’il n’y a pas d’autres épisodes cachés ?

 

Cependant je suis presque persuadée que ce sont ces états psychiques qui m’ont permis de me connecter avec d’autres réalités. Où va l’esprit dans ces moments-là ? Où sont enregistrées ces informations ? On comprend aisément qu’il y ait quelque chose qui « disjoncte » dans l’organisme et ce sans doute de façon chronique sans que la personne soit capable d’identifier ce qui l’a généré.

 

Dans tous les cas, lorsque j’ai pris conscience que ces « états psychiques » étaient automatiques, et qu’ils étaient incontrôlables, j’ai pu avancer et commencer à prendre soin de moi autrement, cela me semble vraiment important d’informer les gens sur ces phénomènes. Et je pense qu’ils peuvent être ressentis dans diverses situations de traumatismes. Décès, accidents, catastrophes naturels, combats…

 

Ce qui est plus pervers encore dans le cas des violences sexuelles c’est que souvent la victime a honte et n’ose pas en parler, et même si elle le fait, son entourage sera vraiment très embarrassé pour la soutenir, lui demander comment elle va…

 

Néanmoins plus nous parlerons des violences sexuelles et de leurs conséquences, moins le sujet sera tabou et plus le travail d’accompagnement des victimes pourra être efficace. Et si tu penses que c’est marginal et que tu n’es pas concerné détrompe-toi, observe autour de toi, et tu t’apercevras que cela concerne de nombreuses personnes.

 

Je ne savais pas en ouvrant mon ordinateur ce soir, que j’écrirai cela et sur ce sujet-là, mais il y a déjà longtemps que je veux aborder ces sujets, et comme je laisse venir ce qui doit-être, alors voilà.

 

Si mes mots te touchent, si ils résonnent avec ton histoire, ne reste pas seul.e, pose des mots dessus, libérer la parole est déjà un grand pas vers l’apaisement. Tourne-toi vers quelqu’un de confiance ou un inconnu peu importe, ce qui est important ce que tu sois écouté.e, pris.e en compte, entendu.e.

 

Ce que j’aime avec la méthode que j’utilise pour aller visiter mes émotions ou celles de mes clients, c’est qu’elle fonctionne par symbolisme. Le cerveau redonne les informations sous formes d’indices et parfois par images ou paraboles. J’ai consulté des thérapeutes avec des pratiques beaucoup moins douces.

 

Lors de tout ce travail de compréhension de ce qui a pu se passer, de récupération d’éléments, il y a pour moi quelque chose de primordial à respecter ce sont nos résistances. Si le cerveau a fait le choix de mettre ces informations hors de portée c’est qu’il savait que ce serait vraiment insupportable. Alors il convient d’avancer en toute prudence, avec le plus de douceur, de bienveillance et de patience avec soi ou avec les autres, si on l’accompagne. On prend son temps, on respecte son rythme, et si on ne veut pas, on ne veut pas. On écoute et on respecte.

 

Oui compte tenu de tout ce que je viens de dire c’est normal qu’« on » ait mis en place des stratégies de fuite ou d’évitement. Une des miennes est l’alimentation. Et c’est notamment un des points sur lesquels j’aimerai vraiment avancer. Et je sens que mon corps primal détient des clefs, des informations qui peuvent m’aider. Seulement il faut que je plonge dans cette entrée de grotte que je viens de découvrir, avec ma petite lampe frontale… allez zou, j’y vais… Tu entends l’écho, l’écho, l’écho… à bientôt, tôt, tôt…

 

Je descends en rappel, je passe par différentes strates, des grottes de stalactites et stalagmites magnifiques, je suis dans une sorte de conduit très sombre qui a l’air très profond, il y a des différences de température, des chauves-souris qui s’envolent à mon passage, je descends, descends encore.

 

J’arrive près d’un petit feu auprès duquel se trouve un bébé qui pleure tout nu. Je le prends tout de suite dans mes bras. Un chant arrive, plutôt vieil indien, mes mains chauffent, c’est comme une sorte de soins, je ne sais pas si je le reçois au moment M ou si c’est pour me montrer qu’ils étaient déjà près de moi, à ma naissance. Je berce ce mini moi, plusieurs chants différents se succèdent, c’est un vrai soin qui est prodigué, il est plutôt long. Puis l’enfant devient une petite fille, j’ai 3 ans, je me vois avec ma sœur. Puis j’ai 7-8 ans, toujours des chants, comme pour aider à libérer les émotions enfouies. Je me sens apaisée, protégée, enveloppée. On me dit de m’arrêter là pour ce soir, et de laisser la petite fille de 8 ans avec la protection toute la nuit, nous reprendrons demain. Alors je suis ce qui m’est demandé. Les choses sont lancées, j’avance en confiance.

 

Il y a eu de la tempête toute la nuit. Je suis en pleine forme ce matin et la créativité est à son paroxysme. Je me retrouve dans l’action à envisager et programmer des choses que je veux faire depuis longtemps, mais l’élan n’était pas là. Ce matin, il est là et bien là, tout est fluide ! Youpi c’est parti pour un nouveau séjour en Brocéliande et même une nouveauté un stage dans la Montagne d’Ance !!!

Je suis en joie.

 

Je retourne tranquillement dans le conduit et descends comme je sais faire maintenant. Ma petite fille de 8 ans est là. Tout d’abord, le soin continue pour elle. Puis c’est comme si je la voyais s’ouvrir et s’épanouir, elle est en joie, elle porte une tenue avec des couleurs vives, elle me dit qu’elle retrouve « le droit » de s’exprimer comme elle veut, de faire du bruit, de s’extasier, de s’émerveiller, comme si elle sortir de sa coquille. Je la retrouve, je me retrouve.

 

C’est tout pour aujourd’hui et ce n’est déjà pas si mal. A très vite.

 

P.S. Si ce texte te touche, sache que tu n'es pas seul.e. Mon témoignage est là pour dire au monde que malgré ce type de traumatismes on peut kiffer sa life et aider les autres à kiffer la leur.

Prends soin de toi !